LIMINAIRE CSI 129

Le « gouvernement en Église ». L’expression n’est pas neutre dans la pensée théologique contemporaine. S’opposant au « gouvernement de l’Église » par une élite, elle désigne la participation et la responsabilisation de tous à la vie ecclésiale.

À travers le passage d’une conception du gouvernement de l’Église vers une conception du gouvernement en Église, n’est-ce pas la réalité du discernement qui est en jeu ? Comment penser le gouvernement comme discernement ? Quelle place, quelle signification le discernement confère-t-il à l’obéissance ?

Telles sont les questions abordées dans le présent numéro. La synodalité s’est imposée à plusieurs comme le dispositif institutionnel que se donne historiquement l’Église pour exercer un gouvernement « discernant ». Massimo Faggioli retrace, dans l’évolution du christianisme, une tension existant entre un régime synodal, qui incarne un mode de gouvernement « discernant », et un régime vertical-pyramidal qui se coule dans le moule du modèle de gouvernement impérial romain.

Les façons de gouverner et la réflexion sur les façons de gouverner s’engagent dans un tournant radical lors du concile Vatican II. Gilles Routhier s’attarde sur le fait conciliaire. En lui-même, Vatican II constitue un formidable exercice de synodalité. Et la pratique d’échange, de réciprocité, de collaboration, dont il est l’exemple en viendront à se transcrire, en amont, dans la lettre et les contenus conciliaires. Vatican II porte ainsi dans son enseignement une promesse de gouvernement-discernant pour l’Église catholique.

Cependant, qu’advient-il de cette promesse en aval du concile ? Entre la lettre et la pratique, un écart s’installe. Pier V. Aimone évalue l’efficacité des mesures adoptées par Vatican II et analyse les obstacles auxquels celles-ci se butent, exemples actuels à l’appui (annulations de mariage, scandales sexuels, rapport théologie et magistère...).

Il existe une analogie entre l’exigence de discernement qui doit réguler les institutions ecclésiales et l’exigence éthique qui doit guider la gouvernance des institutions de la société civile. Partant de cette analogie, Jacques Racine montre comment l’enseignement de Vatican II sur les institutions civiles et les réflexions éthiques issues des instances civiles apportent un éclairage mutuel sur le gouvernement et sur la notion de l’obéissance.

Comment se posent les questions de l’obéissance, de l’autorité et du gouvernement dans d’autres traditions chrétiennes ? Du lieu de son engagement dans l’Église anglicane, le révérend Kevin Flynn présente la pratique de la synodalité développée par les anglicans et expose la théologie de « l’autorité dispersée » qui la sous-tend.

Jean-Guy Saint-Arnaud sj, se demande pourquoi les choses vont toujours mal dans l’Église ? Après avoir déployé le panorama historique auquel s’adosse le constat du mal au cœur de l’Église, l’auteur apporte une réflexion nuancée qui puise à l’œuvre du cardinal John Henry Newman. Loin de nier l’existence du mal, Saint-Arnaud avance que la révélation en suppose l’existence et advient comme un impératif de combat contre le mal.

La spiritualité ignatienne permet de poser une « manière de gouverner » qui constitue un discernement d’Église, en Église. Ignace a progressivement pris conscience de la place et du rôle de l’Église dans son discernement personnel et dans sa vie en général. L’article du père Joseph Thomas sj, que nous reproduisons ici conserve toute son actualité en regard de notre questionnement.

Isabelle Dalcourt