LIMINAIRE CSI 123

Il était une fois un Maître…

Le Maître était en peine de confidences et les disciples cherchèrent à apprendre de lui les étapes par lesquelles il avait passé dans sa quête du divin.

« En premier lieu, Dieu m’a guidé par la main, dit-il, jusqu’au Royaume de l’action et je suis demeuré là plusieurs années. Ensuite, il revint et me conduisit au Royaume des afflictions ; je suis demeuré là jusqu’à ce que mon cœur fût purgé de toute attache désordonnée. Ce moment fut celui où je me retrouvai au Royaume de l’amour, dont les flammes ont consumé tout ce qui restait de moi-même en moi. Et ceci m’amena au Royaume du silence, où les mystères de la vie et de la mort se révélèrent à nu devant mes yeux ébahis. »

« Ce fut là l’étape finale de votre quête ? » demandèrent les disciples.

« Non, dit le Maître. Un jour, Dieu me dit : “Aujourd’hui, je t’emmène au sanctuaire le plus intime du Temple, au Cœur de Dieu lui-même.” Et je fus conduis au Royaume du rire. »

Osera-t-on encore soulever une question sérieuse sur la spiritualité, à la suite d’une pareille « histoire » ? Croyons donc fermement que Dieu rit déjà, et pas à peu près, de nous entendre nous demander : y a-t-il un lien étroit, pas simplement accidentel, entre l’humour et la spiritualité ? Peut-on comprendre quelque chose de l’humour à partir de la spiritualité et, en même temps, comprendre mieux la spiritualité à partir de l’humour ?

Des personnes issues d’horizons divers nous offrent un éclairage à ce propos. Christian Morin le fait du point de vue de la littérature et Daniel Fradette, du point de vue de la psychanalyse jungienne. Jean-Guy Saint-Arnaud complète cette perspective des sciences humaines avec une étude dans laquelle il compare trois discours : l’un, philosophico-religieux, l’autre, psychologique et un troisième, proprement spirituel. René Champagne ajoutera d’ailleurs son grain de sel à ces dernières considérations d’ordre spirituel en mettant en relief la place de l’humour dans divers écrits d’Ignace de Loyola. Mais auparavant, nous aurons abordé la question de l’humour dans les traditions religieuses islamique et juive pour ensuite l’examiner dans les traditions chamaniques des autochtones du Québec ; à cet égard, nous sommes redevables, respectivement, à Touhami-Rachid Raffa, Dovid Lewin et Frédéric Laugrand. La tradition chrétienne ne sera pas oubliée grâce à quelques caricatures de Marc Pelchat.

Dans un esprit différent, en écho au Congrès eucharistique international de Québec qui a eu lieu en juin 2008, deux réflexions non moins sérieuses sur l’eucharistie sont présentées par Guy Jobin et Marc Pelchat.

Alors, « juste pour rire », pourquoi pas un petit concours, histoire de rendre toujours plus accessible nos Cahiers, qui visent à comprendre la place et le rôle de la spiritualité dans la culture contemporaine ? Nous n’avons pas été en mesure de retrouver la source de l’historiette racontée en ouverture. La première personne qui nous fournira la référence bibliographique exacte de cette historiette se méritera un abonnement d’un an à la revue ou bien deux exemplaires gratuits, à son choix, parmi nos plus récents Cahiers (frais d’expédition exclus dans l’un et l’autre cas).
Mais en deçà de ce concours, souhaitons-nous une lecture – comment dirais-je ? – drôlement profonde et « sérieuse » de toute notre vie. Arrivons-en à une lecture qui dépasse le niveau du « juste pour rire » pour rejoindre celui d’un discours comme pour rire. Car en spiritualité comme en humour sont donnés des rôles par lesquels des situations et des personnes sont « travaillées ». L’humour autant que la spiritualité donnent place à des sujets en d’incessants « déplacements », pour construire des façons toujours nouvelles de se rapporter au monde et aux autres. Et pourquoi pas y inclure le tout Autre… au Royaume du rire ?

Ainsi, on peut bien imaginer le bel enfant Jésus priant instamment Marie, sa mère, de lui montrer enfin son père… naturel ! Juste pour rire… Mais à bien regarder en-dessous des choses drôles, il en va toujours de rapports à considérer ou à réaliser autrement : comme pour rire. C’est certainement le cas de cet enfant Jésus-là… qui a affaire à « l’esprit ».

Étienne Pouliot